Axes de recherche

Le programme de recherche de la Chaire de recherche du Canada en droit de l’environnement a pour objet les transformations des modes de régulation de l’environnement dans le contexte de la mondialisation des économies, d’harmonisation des droits nationaux et de la globalisation des enjeux environnementaux. La titulaire, la professeure Paule Halley, propose de voir le désordre normatif induit par les développements rapides dans nos façons de réguler l’environnement (ex.: déréglementation, négociations des normes, déploiement de normes privées, etc.) comme une donnée provisoire, une évolution des pratiques, qui fournit des éléments utiles à la composition d’un nouvel ordre normatif respectueux de l’environnement.

Deux variables sont au centre de la démarche : les transformations des régulations environnementales et les impératifs du développement durable, dont celui fondamental de la participation du public  dans le processus de formulation des régulations. Ces thématiques génèrent déjà des retombées en termes de connaissances, de productions scientifiques, de formation de professionnels hautement qualifiés, ainsi que des invitations à des activités scientifiques et à joindre des groupes pluridisciplinaires.

L’objectif fondamental du programme de recherche est de contribuer à la construction d'un droit de l'environnement qui soit efficace, légitime et effectif et qui s’inscrive dans une stratégie de mise en œuvre du développement durable. Le programme de recherche est articulé autour de quatre axes principaux de recherche représentant des défis importants qui attendent le droit de l’environnement et la mise en œuvre du développement durable au Canada. Ces axes constituent aussi des domaines dans lesquels les étudiants gradués sont nombreux à vouloir poursuivre des travaux de recherche dans le cadre de leur essai, mémoire ou thèse.

Axe 1 - l'uniformisation et l'harmonisation des législations environnementales nationales : le rôle du droit pénal

La complexité des phénomènes de pollution, l’intégration des économies, les incertitudes scientifiques et la dynamique des écosystèmes commandent le développement de nouvelles approches de gestion environnementale plus intégrées entre les États. Le constat est qu’une action concertée est nécessaire pour obtenir de meilleurs résultats en matière de protection de l’environnement, compte tenu que la résolution des problèmes environnementaux requiert des interventions généralement interministérielles et interjuridictionnelles, et fréquemment transprovinciales et transnationales.

À l’évidence, l’approche intégrée représente un défi majeur pour les droits nationaux. Dans le contexte de mondialisation du droit, les frontières juridictionnelles s’effritent au bénéfice de nouveaux espaces juridiques.  L’harmonisation des législations paraît donc être une solution utile à la prise en compte des phénomènes globaux reliés à l’environnement. Cet axe de recherche s’intéressera plus précisément à l’harmonisation du droit en matière de protection environnementale par le droit pénal.  Pour plusieurs, l’harmonisation des législations pénales est un moyen d’éviter de créer des « paradis pénaux » et d’empêcher le marchandage à rabais des normes (Pradel et Corstens 2002: 53; Weyembergh 2004: 7).

C’est dans cette perspective d’harmonisation du droit par le droit pénal que vient également l’idée d’utiliser les prohibitions de polluer l’environnement pour harmoniser les législations nationales du plus grand nombre d’États. La titulaire, la professeure Paule Halley, examinera les développements récents du droit pénal international et transnational de l’environnement. Dans un deuxième temps,  ces développements seront  transposés dans un contexte fédératif. Les normes internationales et européennes en matière de droit pénal de l’environnement, de même que les grands arrêts en la matière feront l’objet d’une étude approfondie afin de mesurer leur pertinence en droit interne canadien. L’analyse se fera selon la méthode du droit comparé.

Axe 2 - la légitimité et l'effectivité des nouvelles régulations: le rôle de la participation du public et de la sécurité juridique

La poursuite de l’analyse des formes des nouvelles régulations et du rôle joué par le public permettra de bonifier les acquis issus de la programmation initiale de recherche. C’est pourquoi il est proposé d’approfondir cette recherche en mettant l’accent sur les avenues prometteuses quant à la manière de choisir les instruments de protection environnementale qui soient efficaces, légitimes et effectifs. Les travaux de recherche réalisés montrent que l’efficacité des mesures volontaires est étroitement liée à leur légitimité et à leur caractère effectif.

L’analyse de la légitimité et de l’effectivité des nouveaux modes de régulation se poursuivra donc en déclinant les différentes procédures de participation du public et en les conjuguant avec les différentes mesures volontaires produisant des normes. Il s'agira ensuite de voir comment l’effectivité de ces pratiques de régulation peut être améliorée en les formalisant de manière juridique. 

La participation du public est assurément un outil important dont disposent les États afin de développer des stratégies efficaces qui permettront de s’adapter à des phénomènes comme les changements climatiques. Mais la participation significative des populations aux décisions environnementales représente un défi important dans le contexte de plus en plus complexe et pluraliste que nous connaissons. Certains prétendent que la notion même d’intérêt général qui est à la base de l’idée de participation du public est en crise, car l’État ne peut plus prétendre détenir le monopole de son énonciation (Monédiaire 1998: 115).  Cet axe de recherche propose donc de s’intéresser aux nouveaux modèles de participation du public afin de répondre aux défis des prochaines années. 

Axe 3 - les défis du droit de l'environnement en arctique à l'heure des changements climatiques

Cet axe de recherche s’intéresse au développement et à l’application des droits canadien et international de l’environnement dans l’Arctique. Compte tenu des conséquences déjà perceptibles des changements climatiques sur les écosystèmes arctiques et les modes de vie de ses habitants, la pertinence des travaux de recherche est d'autant plus d'actualité.

Ces travaux s’intéressent plus particulièrement aux aspects juridiques concernant la protection des eaux et des espèces sauvages dans les eaux du Passage Nord-Ouest ainsi qu’aux revendications de souveraineté du Canada sur ces eaux et celles couvrant son plateau continental vers le pôle nord. Le programme de recherche propose de s’intéresser également aux développements du droit de l’environnement dans l’Arctique et de les examiner sous l’angle du développement durable.

Aussi, une attention particulière est accordée aux représentations et à la légitimité des régulations environnementales canadiennes et internationales pour les communautés arctiques et la protection de ses eaux et de sa biodiversité. En effet, le droit de l’environnement applicable dans les eaux canadiennes de l’Arctique est souvent perçu comme un droit exogène reflétant les intérêts des populations du Sud. Pourtant, un des défis importants qui attend le droit de l’environnement dans un contexte de risques globaux est de susciter une légitimité suffisante auprès de ses destinataires afin qu’ils modifient leurs comportements et appliquent les normes.

Pour ce faire, la régulation doit tenir compte de leurs perceptions et de leurs valeurs tout en les ralliant à une vision commune face aux risques. Dans cette perspective, le programme de recherche s’intéresse aux modes de représentation des communautés arctiques et examine les structures actuelles et leurs mesures de mise en œuvre d’une participation ouverte et transparente des communautés intéressées à l’occasion de l’arbitrage des usages et d’élaboration des normes environnementales pour l’Arctique canadien.

Axe 4 - les défis institutionnels du développement durable : gouvernance des territoires et participation du public

La dialectique entre la mondialisation et les transformations de la régulation environnementale est toujours à l’œuvre et le secteur demeure précurseur d’innovations juridiques importantes. En effet, les régimes juridiques du développement durable commencent à pénétrer la hiérarchie des normes et à modifier le rôle des acteurs, notamment celui de l’État, de même que les lieux de régulation de l’environnement.

Au Canada, les transformations juridiques associées au développement durable connaissent aussi un essor considérable dans plusieurs réformes législatives touchant la participation du public et la gouvernance des ressources naturelles, qui se trouvent au cœur des préoccupations des acteurs politiques et de l’ensemble des acteurs en présence. C’est dans ce contexte effervescent que la Chaire de recherche du Canada en droit de l'environnement a ajouté en 2012 un nouveau volet de recherche, très porteur et structurant pour la programmation de recherche, qui sera dédié aux innovations juridiques du développement durable. Les « innovations juridiques » renvoient aux régimes juridiques d’avant-garde qui sont issus du droit de l’environnement, laboratoire permanent de droit depuis quelques décennies, et maintenant du développement durable (ex. : étude d’impact, participation du public, gestion intégrée, précaution, etc.).

Les résultats des recherches réalisées par la Chaire de recherche du Canada en droit de l'environnement montrent que les régimes juridiques du développement durable touchant la gouvernance territoriale et la participation du public réussissent à pénétrer le système juridique canadien, à modifier le droit positif et le rôle des acteurs, notamment celui de l’État ainsi que la nature de sa relation et de ses obligations envers les membres du public.

Pour atteindre l’objectif principal, la titulaire propose un projet de recherche divisé en deux volets complémentaires (aspects institutionnels et procéduraux) structurant la réflexion autour des questions fondamentales et de cas pratiques et factuels permettant d’examiner l’état du droit touchant le développement de certaines industries (ex.: gaz de schiste, éolienne), la mise en œuvre de programmes de développement (ex.: Plan Nord) ou des modes de gestion retenus pour les composantes de l’environnement (eau, forêts, pêches, minéraux, faune, etc.).

Les résultats permettront de mieux comprendre la portée juridique de ces innovations, leur origine et fondements, de même que leurs aspects caractéristiques, notamment leur degré de force contraignante et leur capacité de s’imposer dans le système juridique et de réaliser les changements institutionnels annoncés par le nouvel idéalisme du développement durable. Les résultats contribueront à la réflexion sur les défis institutionnels de la gouvernance territoriale et de la participation du public. Un troisième volet est consacré à la réalisation des travaux en collaboration avec les étudiants gradués, qui ont un intérêt marqué pour les enjeux juridiques du développement durable, de même qu’en collaboration avec des collègues, des groupes et des chercheurs spécialisés. Enfin, sont prévues des activités de communication, de formation continue et de diffusion des connaissances tant auprès des spécialistes que du grand public.